64%

Une forte majorité de Français constate que la politique du pouvoir favorise les privilégiés. Un pas vers la conscience de ce qu’il faut vraiment changer.

Publié le 11 septembre 1996

Dans une interview récente au «Figaro», le premier ministre claironnait, il y a quelques jours: «Je me suis fixé une règle en politique, c’est de laisser aux autres le soin de me critiquer.» Alain Juppé est servi. Sondage après sondage, les «autres» se montrent si nombreux que la grande majorité des interrogés porte un jugement sévère sur la politique du pouvoir, qu’il s’agisse de l’emploi, du social ou de l’économie. Au point que les rangs d’une majorité qui a voté tous ses projets, sentant venir l’orage, montrent quelque fébrilité.

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La dernière en date des enquêtes d’opinion vient d’ajouter à ce bilan une appréciation nouvelle. 64% des personnes interrogées par la SOFRES pour un groupe de journaux de province ont «le sentiment que l’action du gouvernement bénéficie aux catégories privilégiées». Les Français ont fait leurs comptes. Après un an d’expérience d’une politique qui était censée réduire «la fracture sociale», ils mesurent combien elle sert les possesseurs de capitaux; cette frange de 10% des ménages qui détient la moitié du patrimoine, selon de récents chiffres officiels de l’Institut national de la statistique.

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Sous le règne de l’équipe Chirac-Juppé, l’argent continue d’aller à l’argent. Plus vite, plus brutalement encore. Les mécanismes de ce transfert restent encore à démonter. Le travail, selon le dogme rebattu ces dernières années pour entrer dans le club des privilégiés de la monnaie unique, aurait un coût trop élevé. A coups de déréglementations, de privatisations, de délocalisations, de suppressions d’emplois, de réductions des dépenses publiques et de régression de la protection sociale, des transferts ont été opérés vers les caisses des gros détenteurs de capitaux. La part des salaires a fait un recul qui l’a ramenée trente ans en arrière. Privant l’économie de l’investissement, des moyens d’assurer une croissance créatrice d’emplois. Réduisant salariés, chômeurs, RMIstes à consommer moins. Tarissant encore le flux vers la croissance et la création d’emplois par un enchaînement voulu, délibéré, programmé par une politique qui ne connaît que l’intérêt de la classe des privilégiés et des spéculateurs. «Ils se sont enrichis sans effort, par de simples jeux d’écriture, tant il est vrai que l’argent appelle l’argent.» On peut, en effet, citer à cet égard ce qu’en disait Jacques Chirac lorsqu’il menait campagne pour l’élection présidentielle. La tromperie n’en apparaît que plus évidente aujourd’hui aux Français.

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Sans mettre en cause les privilèges, sans s’attaquer à cette politique révoltante qui fait le choix de l’inégalité, qui enfonce des millions de gens dans la précarité, dans la pauvreté, qui est source d’angoisse, il n’est pas de changement possible. Au-delà du constat opéré, ce dernier sondage fait apparaître la puissance de l’aspiration à une politique différente. De quoi nourrir l’espoir de remettre cette société sur ses pieds.


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