La télévision consomme. Elle diffuse, broie, mâche, digère. Une fois l’écran éteint, bien peu de choses perdurent. Ainsi son passé (elle ne possède pas d’histoire) surprend presque toujours le téléspectateur. La mode des images d’archives, à ce sujet, est éloquente. Mais force est de constater la ringardise absolue des émissions anciennes. Toutes semblent élimées dans la forme et usées sur le fond. «Arthur Rubinstein. L’amour de la vie», signé François Reichenbach et diffusé lundi soir sur France 3, échappe à cette loi. Près de trente ans plus tard, ce document magnifique consacré au petit homme aux cheveux blancs et aux rires d’enfant n’a pas pris l’ombre d’une ride. Ses doigts potelés galopent sur le clavier, ses yeux brillent lorsqu’il arpente Montmartre et redécouvre un pommier connu. Filmé pendant trois mois, l’artiste affiche quatre-vingt-deux printemps d’humour et de simplicité. Interviews, confidences, images banales de vie, de voyage, de travail se succèdent et, seconde après seconde, livrent un peu de cette passion qui agite le pianiste. Plans serrés ou plans larges, jamais la caméra n’oublie son sujet, tout est précis, rigoureux, intelligent. Quelques notes de plaisir sans cesse et toujours d’actualité et pourtant, aujourd’hui, si lointaines.
Fabrice lanfranchi
